Reconstruction à Port-au-Prince : embellir, mais à quel prix ?

Depuis plusieurs semaines, des travaux de « reconstruction » et « d’embellissement » sont annoncés dans plusieurs quartiers stratégiques de Port-au-Prince. Sur les réseaux sociaux, dans les médias, les autorités brandissent des promesses de transformation urbaine : rues élargies, bâtiments modernes, parcs publics flambant neufs. Sur le papier, ce projet semble porter l’espoir d’une Haïti plus belle, plus vivable.

Pourtant, sur le terrain, la réalité est bien différente — et beaucoup plus inquiétante.

Selon plusieurs sources concordantes, des opérations de « nettoyage » seraient en cours, non pas par des moyens légaux ou administratifs, mais par l’usage de la force armée illégale. Des groupes lourdement armés auraient été déployés dans certaines zones ciblées, notamment autour du centre-ville historique et des quartiers riverains, pour faire fuir les habitants. Sous la menace des armes, des familles entières sont contraintes d’abandonner leurs maisons, sans préavis officiel, sans proposition de relogement, sans indemnisation.

Qui sont les véritables acteurs derrière ce projet ?
Derrière les belles paroles, plusieurs entités privées et publiques sont engagées : ministères, mairies, firmes de construction locales et étrangères. Des contrats juteux ont été signés pour la réalisation de ces travaux. Mais ce qui choque, c’est le silence complice autour de la méthode employée.
Pourquoi ces entités n’ont-elles pas exigé, dans leurs clauses contractuelles, que toute évacuation se fasse dans la dignité ? Pourquoi n’ont-elles pas conditionné le lancement du projet à la négociation avec les populations concernées, à leur relocalisation dans des conditions humaines ?

Nous devons poser les vraies questions :

Comment un État peut-il prétendre reconstruire un pays en détruisant ses citoyens les plus vulnérables ?

Comment peut-on parler de développement durable en laissant derrière soi des milliers de déplacés sans espoir ?

Comment espérer créer une Haïti moderne, quand on reproduit les mêmes logiques brutales qui, depuis des décennies, ont fait fuir notre jeunesse et détruit notre cohésion sociale ?

La reconstruction d’Haïti doit être une œuvre collective, inclusive, humaine.
Elle ne peut pas être le résultat de complicités occultes entre politiciens corrompus, entrepreneurs avides et groupes armés incontrôlés.

Un projet sérieux aurait dû commencer par :

Un recensement complet des occupants.

Des consultations communautaires ouvertes et transparentes.

L’offre de relogements décents avant toute évacuation.

Des compensations financières justes pour les pertes subies.

Et surtout, le respect strict des droits humains, fondamentaux et non négociables.

À ceux qui financent ce projet, à ceux qui l’exécutent, nous disons aujourd’hui :
Vous avez encore le choix.
Le choix entre bâtir une capitale pour quelques privilégiés ou rebâtir un pays pour tous ses enfants.

L’histoire jugera. L’histoire retiendra.
La vraie beauté d’Haïti ne réside pas seulement dans ses édifices flamboyants, mais dans la dignité de ses citoyens.

Info Reflex — pour penser autrement, pour agir autrement.